17 avril 2009
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Voici un petit extrait de mon livre "Antidépresseurs : faut-il en prendre ou pas ?" concernant la symptomatologie dépressive. En espérant que ce petit texte de vulgarisation pourra rendre quelques services...
Le syndrome dépressif : des symptômes courants dont seul le regroupement est spécifique
[…]
Il existe des formes différentes de dépression, nous allons donc […] décrire ici une forme typique de dépression sévère, appelée selon les termes en vigueur actuellement « épisode dépressif majeur ». […]
La dépression se manifeste par un ensemble de symptômes qui concernent les émotions, les pensées, les comportements, les relations aux autres, le fonctionnement du corps. Chacun de ces symptômes, pris isolément et sur un laps de temps bref, peut être ressenti en dehors de la dépression par tout un chacun. Ce qui est réellement spécifique de la dépression, c’est leur association et leur stabilité dans le temps (au moins deux semaines dit-on). Comme toutes les maladies, il arrive bien sûr que la symptomatologie soit incomplète (certains symptômes sont absents), masquée par une expression particulière (des douleurs physiques par exemple), ou déformée par un premier essai de traitement (y compris en automédication, y compris par de l’alcool ou du cannabis…). […]
Les principaux symptômes qui permettent de reconnaître la dépression sont :
- la tristesse : […] elle n’est pas forcément au premier plan, elle peut même être quasi-absente notamment lorsque la dépression s’accompagne d’un état d’épuisement émotionnel où plus rien n’est ressenti […] son intensité peut atteindre des extrémités difficilement imaginables qui font parler de douleur morale. La moindre information de l’environnement est interprétée à travers ce filtre sombre. Des crises de larmes sont souvent associées bien qu’elles ne soient pas forcément en lien immédiat avec la tristesse proprement dite, on parle dans ce cas de labilité émotionnelle (les nerfs à fleur de peau dira-t-on).
- L’impossibilité d’éprouver du plaisir dans les activités habituellement agréables : c’est l’anhédonie […]. Elle peut concerner tous les domaines de satisfaction, qu’il s’agisse par exemple de l’épanouissement professionnel, d’un loisir particulièrement investi, ou des relations sociales : « rien ne fait plaisir », on n’a « plus goût à rien », tout devient indifférent. Bien que très gênante, cette difficulté n’est que rarement un sujet de plainte.
- L’absence de désir, d’envie, de projet, appelée aboulie, que l’on doit comparer avec le dynamisme habituel de la personne. Bien souvent cette difficulté à émettre la moindre initiative est plus remarquée par l’entourage que par le patient. Prévoir les prochaines vacances, une sortie ou l’organisation d’un événement minime devient un obstacle infranchissable, quel que soit le plaisir qui peut en être attendu. Il devient également difficile pour le dépressif de se projeter dans l’avenir, pouvant aller jusqu’à une sensation d’impasse.
Bien d’autres symptômes peuvent être présents, qui découlent plus ou moins de ces trois aspects fondamentaux :
- La perte d’élan vital, [...] manque d’intérêt pour la vie, d’implication dans sa trajectoire de destinée, contrastant avec la manière d’être habituelle de la personne. L’image fréquemment donnée est celle d’une voiture qui a calé : on sait que les conditions sont réunies pour que tout fonctionne pour le mieux mais rien ne bouge et la volonté est impuissante (« le moteur est là mais ne tourne pas - et je ne trouve plus le démarreur »). Il s’y ajoute une thématique pessimiste qui s’étend à des domaines généralement bien investis. L’estime de soi peut également être profondément altérée, s’exprimant sous la forme d’idées autodépréciation parfois préoccupantes.
- Le désir de vivre étant dilué voire perdu, les pensées relatives à la mort sont fréquemment signalées. Il peut s’agir de simples évocations abstraites sur la mort en général jusqu’à des préoccupations sur l’éventualité de sa propre mort (« ça serait aussi bien si j’étais mort ») voire un désir de mourir, qu’il soit passif (« si je pouvais tomber malade et y rester… ») ou actif avec des idées de suicide. Ces idées de suicide peuvent être plus ou moins réalistes, allant d’une vague ouverture sur la question (« si un jour je sens que je n’en peux plus… ») jusqu’à l’élaboration d’un projet de passage à l’acte - parfois dissimulé activement. […]
- La démotivation, le désintérêt, l’ennui, sont à rapprocher de l’aboulie et de l’anhédonie. Cela peut toucher le travail et les projets de long terme, mais aussi les actes simples et nécessaires de la vie quotidienne : répondre aux courriers administratifs, faire les courses, le ménage, peuvent devenir inaccessibles. Au maximum, toute activité peut s’avérer impossible, jusqu’à ne plus pouvoir organiser ses repas ou se laver, on « se traîne », certains patients restant même bloqués au lit quasiment en permanence.
- Les relations avec les autres, tous les autres – des plus intimes aux plus anonymes - deviennent difficiles, fatigantes, imposent un effort parfois même douloureux qui peut amener des manifestations de rejet ou d’irritation qui ne doivent pas être mal interprétées. Les initiatives deviennent rares ou absentes, mais il n’est pas rare de refuser aussi les sollicitations des proches : téléphone éteint, etc. Cette tendance au repli social isole, éloigne des amis, de la famille, des liens amoureux, privant le dépressif d’une source de soutien et de satisfaction. Cet isolement contribue à aggraver la sensation d’inutilité, d’incapacité et peut mettre la personne en réel danger.
- Le plus souvent les grandes fonctions de base de la « vie instinctuelle » sont sévèrement perturbées par la dépression : le sommeil est rarement épargné, qu’il s’agisse d’insomnie d’endormissement avec des ruminations pessimistes ou tristes, ou plus spécifiquement de réveils en milieu ou en fin de nuit, au petit matin, parfois accompagnés d’une grande souffrance. A l’inverse pour certains c’est un excès de sommeil « refuge » qui se manifestera. L’appétit est fréquemment perturbé également, souvent diminué, parfois augmenté avec un recours excessifs aux aliments gras/sucrés. Enfin la sexualité […] est une des premières victimes de la dépression […].
- La symptomatologie a tendance à évoluer au cours de la journée, qui débute souvent mal, avec une atténuation progressive quand approche la perspective du repos nocturne.
- Les aptitudes que l’on nomme cognitives, en particulier l’attention, la concentration est la mémoire sont généralement affectées par la dépression, d’autant plus qu’il s’y associe souvent un ralentissement psychomoteur. Ces symptômes sont évidemment les plus handicapants quant à la poursuite du travail, et renforcent le sentiment d’incapacité du dépressif. […].
On ne rappellera jamais assez que tous ces symptômes :
- ne sont pas très spécifiques pris isolément, n’ont de sens que regroupés entre eux et stables sur une période de temps conséquentes (l’ordre de grandeur de deux semaines paraît un minimum)
- ne sont pas forcément présents tous en même temps ni avec la même intensité au cours de l’évolution chez la même personne.
- doivent donc être impérativement évalués par quelqu’un dont c’est le métier, médecin généraliste ou si possible psychiatre, et cela sans délai une fois que l’on a commencé à se poser la question.
[…] Le dépressif sait qu’il va mal mais ne sait pas toujours qu’il est dépressif (« laissez moi, c’est juste une mauvaise passe »). Il sait encore moins souvent qu’il est possible de l’aider (« ce n’est pas un médicament qui va m’aider ! »). Penser qu’on ne peut pas être aidé est en soi un symptôme de la dépression : ce n’est pas le plus spectaculaire mais c’est peut-être le plus dangereux, car il conduit à ne pas se plaindre, à ne pas demander de soutien adaptée à la situation, qui peut dès lors risquer de s’aggraver… jusqu’où ? Quelqu’un qui va mal et qui ne se plaint pas n’est pas forcément quelqu’un de courageux mais assurément quelqu’un qui est en danger. Se plaindre est une attitude bien peu valorisée dans la culture occidentale, c’est pourtant un moyen efficace d’ouvrir, de décomprimer sa souffrance, c’est aussi déjà attendre un secours des autres.
Le syndrome dépressif : des symptômes courants dont seul le regroupement est spécifique
[…]
Il existe des formes différentes de dépression, nous allons donc […] décrire ici une forme typique de dépression sévère, appelée selon les termes en vigueur actuellement « épisode dépressif majeur ». […]
La dépression se manifeste par un ensemble de symptômes qui concernent les émotions, les pensées, les comportements, les relations aux autres, le fonctionnement du corps. Chacun de ces symptômes, pris isolément et sur un laps de temps bref, peut être ressenti en dehors de la dépression par tout un chacun. Ce qui est réellement spécifique de la dépression, c’est leur association et leur stabilité dans le temps (au moins deux semaines dit-on). Comme toutes les maladies, il arrive bien sûr que la symptomatologie soit incomplète (certains symptômes sont absents), masquée par une expression particulière (des douleurs physiques par exemple), ou déformée par un premier essai de traitement (y compris en automédication, y compris par de l’alcool ou du cannabis…). […]
Les principaux symptômes qui permettent de reconnaître la dépression sont :
- la tristesse : […] elle n’est pas forcément au premier plan, elle peut même être quasi-absente notamment lorsque la dépression s’accompagne d’un état d’épuisement émotionnel où plus rien n’est ressenti […] son intensité peut atteindre des extrémités difficilement imaginables qui font parler de douleur morale. La moindre information de l’environnement est interprétée à travers ce filtre sombre. Des crises de larmes sont souvent associées bien qu’elles ne soient pas forcément en lien immédiat avec la tristesse proprement dite, on parle dans ce cas de labilité émotionnelle (les nerfs à fleur de peau dira-t-on).
- L’impossibilité d’éprouver du plaisir dans les activités habituellement agréables : c’est l’anhédonie […]. Elle peut concerner tous les domaines de satisfaction, qu’il s’agisse par exemple de l’épanouissement professionnel, d’un loisir particulièrement investi, ou des relations sociales : « rien ne fait plaisir », on n’a « plus goût à rien », tout devient indifférent. Bien que très gênante, cette difficulté n’est que rarement un sujet de plainte.
- L’absence de désir, d’envie, de projet, appelée aboulie, que l’on doit comparer avec le dynamisme habituel de la personne. Bien souvent cette difficulté à émettre la moindre initiative est plus remarquée par l’entourage que par le patient. Prévoir les prochaines vacances, une sortie ou l’organisation d’un événement minime devient un obstacle infranchissable, quel que soit le plaisir qui peut en être attendu. Il devient également difficile pour le dépressif de se projeter dans l’avenir, pouvant aller jusqu’à une sensation d’impasse.
Bien d’autres symptômes peuvent être présents, qui découlent plus ou moins de ces trois aspects fondamentaux :
- La perte d’élan vital, [...] manque d’intérêt pour la vie, d’implication dans sa trajectoire de destinée, contrastant avec la manière d’être habituelle de la personne. L’image fréquemment donnée est celle d’une voiture qui a calé : on sait que les conditions sont réunies pour que tout fonctionne pour le mieux mais rien ne bouge et la volonté est impuissante (« le moteur est là mais ne tourne pas - et je ne trouve plus le démarreur »). Il s’y ajoute une thématique pessimiste qui s’étend à des domaines généralement bien investis. L’estime de soi peut également être profondément altérée, s’exprimant sous la forme d’idées autodépréciation parfois préoccupantes.
- Le désir de vivre étant dilué voire perdu, les pensées relatives à la mort sont fréquemment signalées. Il peut s’agir de simples évocations abstraites sur la mort en général jusqu’à des préoccupations sur l’éventualité de sa propre mort (« ça serait aussi bien si j’étais mort ») voire un désir de mourir, qu’il soit passif (« si je pouvais tomber malade et y rester… ») ou actif avec des idées de suicide. Ces idées de suicide peuvent être plus ou moins réalistes, allant d’une vague ouverture sur la question (« si un jour je sens que je n’en peux plus… ») jusqu’à l’élaboration d’un projet de passage à l’acte - parfois dissimulé activement. […]
- La démotivation, le désintérêt, l’ennui, sont à rapprocher de l’aboulie et de l’anhédonie. Cela peut toucher le travail et les projets de long terme, mais aussi les actes simples et nécessaires de la vie quotidienne : répondre aux courriers administratifs, faire les courses, le ménage, peuvent devenir inaccessibles. Au maximum, toute activité peut s’avérer impossible, jusqu’à ne plus pouvoir organiser ses repas ou se laver, on « se traîne », certains patients restant même bloqués au lit quasiment en permanence.
- Les relations avec les autres, tous les autres – des plus intimes aux plus anonymes - deviennent difficiles, fatigantes, imposent un effort parfois même douloureux qui peut amener des manifestations de rejet ou d’irritation qui ne doivent pas être mal interprétées. Les initiatives deviennent rares ou absentes, mais il n’est pas rare de refuser aussi les sollicitations des proches : téléphone éteint, etc. Cette tendance au repli social isole, éloigne des amis, de la famille, des liens amoureux, privant le dépressif d’une source de soutien et de satisfaction. Cet isolement contribue à aggraver la sensation d’inutilité, d’incapacité et peut mettre la personne en réel danger.
- Le plus souvent les grandes fonctions de base de la « vie instinctuelle » sont sévèrement perturbées par la dépression : le sommeil est rarement épargné, qu’il s’agisse d’insomnie d’endormissement avec des ruminations pessimistes ou tristes, ou plus spécifiquement de réveils en milieu ou en fin de nuit, au petit matin, parfois accompagnés d’une grande souffrance. A l’inverse pour certains c’est un excès de sommeil « refuge » qui se manifestera. L’appétit est fréquemment perturbé également, souvent diminué, parfois augmenté avec un recours excessifs aux aliments gras/sucrés. Enfin la sexualité […] est une des premières victimes de la dépression […].
- La symptomatologie a tendance à évoluer au cours de la journée, qui débute souvent mal, avec une atténuation progressive quand approche la perspective du repos nocturne.
- Les aptitudes que l’on nomme cognitives, en particulier l’attention, la concentration est la mémoire sont généralement affectées par la dépression, d’autant plus qu’il s’y associe souvent un ralentissement psychomoteur. Ces symptômes sont évidemment les plus handicapants quant à la poursuite du travail, et renforcent le sentiment d’incapacité du dépressif. […].
On ne rappellera jamais assez que tous ces symptômes :
- ne sont pas très spécifiques pris isolément, n’ont de sens que regroupés entre eux et stables sur une période de temps conséquentes (l’ordre de grandeur de deux semaines paraît un minimum)
- ne sont pas forcément présents tous en même temps ni avec la même intensité au cours de l’évolution chez la même personne.
- doivent donc être impérativement évalués par quelqu’un dont c’est le métier, médecin généraliste ou si possible psychiatre, et cela sans délai une fois que l’on a commencé à se poser la question.
[…] Le dépressif sait qu’il va mal mais ne sait pas toujours qu’il est dépressif (« laissez moi, c’est juste une mauvaise passe »). Il sait encore moins souvent qu’il est possible de l’aider (« ce n’est pas un médicament qui va m’aider ! »). Penser qu’on ne peut pas être aidé est en soi un symptôme de la dépression : ce n’est pas le plus spectaculaire mais c’est peut-être le plus dangereux, car il conduit à ne pas se plaindre, à ne pas demander de soutien adaptée à la situation, qui peut dès lors risquer de s’aggraver… jusqu’où ? Quelqu’un qui va mal et qui ne se plaint pas n’est pas forcément quelqu’un de courageux mais assurément quelqu’un qui est en danger. Se plaindre est une attitude bien peu valorisée dans la culture occidentale, c’est pourtant un moyen efficace d’ouvrir, de décomprimer sa souffrance, c’est aussi déjà attendre un secours des autres.