Fantasme
Il est peu de mots qui éveillent autant de... fantasmes.
Souvent à la simple évocation de ce terme les joues rougissent et le regard s’alarme, comme si de secrètes constructions intimes, honteuses ou distordues, allaient se dévoiler soudain au monde entier.
Risque minime car le voile est bien accroché : par essence le fantasme est invisible, et parfois même partiellement à son propriétaire et fabricant. De l’extérieur, à peine parvient-on à entrevoir certaines de ses conséquences indirectes, et encore… l’interprétation « sauvage » par un tiers qui n’y a pas été convié (fût-il un professionnel de « la psy » !) est donc plus que jamais un exercice incertain. Ajoutons à cela que que les fantasmes ne concernent pas uniquement - ou pas directement - la sexualité : on ne fera que citer toute-puissance, destruction, dévoration, engloutissement, pour finalement renvoyer le lecteur à toutes les autres fixations prégénitales décrites par S.Freud.
Moteur du désir, le fantasme tracte celui-ci avec plus ou moins d’énergie et surtout, avec plus ou moins de concordance dans les thématiques mises en jeu. En clair, ce n’est pas parce que l’on est habité ou traversé par des représentations extravagantes et dérangeantes, que l’on est forcément l’acteur potentiel d’une dangereuse déviance… cela devrait en rassurer certain(e)s.
Le désir, lui, avance en restant au ras des flots, il se confronte aux vagues que lui impose le réel. Il est tracté mais n'avance pas forcément dans la même direction. Il adapte le fantasme, le traduit en permanence dans un autre langage, compatible celui-ci avec la vie sociale de son temps et surtout avec le désir de l’autre (à commencer par le/la partenaire dans la relation sexuelle), adaptation qui suppose un inévitable degré de censure. Le fantasme évolue donc dans un autre univers que le désir, il est mû par d’autres forces, massivement inconscientes, et s'il lui arrive de se heurter à des obstacles cela nous reste en grande partie inaccessible. Cet étrange attelage pourrait aisément se comparer à un kite-surf, si l’on me permet cette métaphore sportivo-balnéaire… Cela rend compte des télescopages impromptus, accélérations surprenantes, virages brutaux, envolées majestueuses ou lourdes chutes qui émaillent quelquefois la trajectoire du désir.
image : source wikipedia
Le pervers prétendra s’affranchir de telles contraintes et feindra de croire que c’est au monde de se plier à son arrogante réalité intérieure personnelle, jusqu’à l’inévitable accident final, tel Phaeton se révélant incapable de conduire le char du Soleil (*). Le névrosé, lui, verrouillera la censure jusqu’à la paralysie douloureuse de toute réalisation de son désir.
Dès lors, un des enjeux fréquents en psychothérapie est de démêler les fils qui relient le désir au fantasme, ce qui est infiniment plus libérateur que de "simplement" rendre consciente une part, forcément limitée, de la vie fantasmatique...
BG
(*) ils sont couillons chez Volkswagen, tout de même, fallait me demander avant de lancer un produit avec un nom aussi chargé de symbole... négatif !