4 mars 2010
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(source : wikipedia Commons)
Eh bien non, malgré son nom qui fleure bon la Science triomphante et ses Héros orgueilleux, avec son orthographe improbable et son "découvreur" pressé de graver sa signature (il était d'ailleurs médecin), la "rhytine de Steller" n'est pas une maladie.
Elle serait plutôt un symptôme. Ou même une cicatrice, indélébile, amère, douloureuse, une de plus, de la folle histoire de l'homme blanc, chrétien, occidental, rationnel et outillé.
Ce paisible mammifère marin, gros herbivore, broutait des algues et allaitait ses petits dans les torpeurs silencieusement glacées du Grand Nord. Cet animal et ses ancêtres avaient frayé leur chemin entre de terribles dangers, des maladies mortelles et des prédateurs affutés, au fil de plusieurs millions d'années. La rencontre avec l'homme blanc a eu lieu, très précisément, en 1741.
Le dernier individu a été abattu 27 ans plus tard. C'est pour ça que l'illustration est un dessin et pas une photo, qui n'était pas encore inventée. Qui étaient les explorateurs, les savants, les esprits éclairés qui ont sorti la rhytine de sa tranquillité ? Qui étaient les marins, pêcheurs, chasseurs qui l'ont tuée ? C'étaient des gens qui partagent les mêmes valeurs, les mêmes principe de vie, les mêmes buts, au fond, que toi, que moi, que nous tous ! Pour quelles raisons pratiques a-t-on effacé cet animal de la surface de la vie ? Parce que "sa graisse faisait une excellente huile de lampe", qui a éclairé les cambuses de quelques matelots (pendant 27 ans... ) et aussi, pour l'éphémère prospérité d'une poignée de marchands de fourrure. La rhytine leur aura payé des beaux habits et puis aussi une belle maison, et permis de faire de beaux cadeaux à leurs enfants. Pendant 27 ans. Et puis hop, c'est fini. Tout, ou presque : la maison, les habits, les jouets. Et la rhytine. Il reste encore, peut-être, les enfants des enfants des chasseurs...
Le dernier individu a été abattu 27 ans plus tard. C'est pour ça que l'illustration est un dessin et pas une photo, qui n'était pas encore inventée. Qui étaient les explorateurs, les savants, les esprits éclairés qui ont sorti la rhytine de sa tranquillité ? Qui étaient les marins, pêcheurs, chasseurs qui l'ont tuée ? C'étaient des gens qui partagent les mêmes valeurs, les mêmes principe de vie, les mêmes buts, au fond, que toi, que moi, que nous tous ! Pour quelles raisons pratiques a-t-on effacé cet animal de la surface de la vie ? Parce que "sa graisse faisait une excellente huile de lampe", qui a éclairé les cambuses de quelques matelots (pendant 27 ans... ) et aussi, pour l'éphémère prospérité d'une poignée de marchands de fourrure. La rhytine leur aura payé des beaux habits et puis aussi une belle maison, et permis de faire de beaux cadeaux à leurs enfants. Pendant 27 ans. Et puis hop, c'est fini. Tout, ou presque : la maison, les habits, les jouets. Et la rhytine. Il reste encore, peut-être, les enfants des enfants des chasseurs...
Et dire que depuis l'enfance on nous vend l'intelligence comme la capacité technique d'inventer des bulldozers auxquels aucune forêt ne résiste, de construire des brise-glaces qui réduisent les pôles à une banlieue lointaine, d'imaginer des armes à visée laser, des abattoirs "propres" - on en a même fait pour les humains, et d'ailleurs par humanité, c'est pour dire... L'intelligence serait donc la capacité d'augmenter la rentabilité de toute chose. L'intelligence voudrait donc que d'une main, l'on essore notre milieu naturel jusqu'à la dernière molécule tandis que de l'autre, on jette aux poubelles de l'Univers des morceaux de vie par paquets, des biotopes, des espèces, des embranchements entiers de la faune et de la flore. Qu'est-ce qui est intelligent ? Qu'est-ce qui est urgent ? Qu'est ce qui est rentable à long terme ? Fabriquer du maïs qui a le goût de tomate et qui contient de la pénicilline, ou bien tenter de ne pas tuer tous les primates (pour mettre de l'huile de palme dans nos chocos BN...), tous les éléphants (pour faire pousser des haricots verts au Kenya...) et tous les mammifères marins (parce que les filets de pêche sont un peu gros et puis les dauphins attrapés par mégarde, on ne les met pas dans le surimi, alors...) ?
On nous assure avec les meilleures intentions - et les plus sincères - que l'unique salut est de "repousser les frontières" alors qu'on ne fait semble-t-il que courir, toujours plus vite, vers celle de notre propre finitude... J'ai parfois l'impression de marcher, déjà, sur la Route que nous raconte affreusement Cormac McCarthy... Tout est si vain. Tout est si fragile. Tout est si précieux.
On nous assure avec les meilleures intentions - et les plus sincères - que l'unique salut est de "repousser les frontières" alors qu'on ne fait semble-t-il que courir, toujours plus vite, vers celle de notre propre finitude... J'ai parfois l'impression de marcher, déjà, sur la Route que nous raconte affreusement Cormac McCarthy... Tout est si vain. Tout est si fragile. Tout est si précieux.
Vingt sept ans, entre la planche du naturaliste et la nuit éternelle de l'oubli, c'est une sorte de record... Pour les Indiens d'Amérique ça a été un peu plus long. Mais on a aujourd'hui les moyens de faire mieux, c'est évident. Plus rapide. Plus rentable. Plus humain.
Le beau film de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud n'est pas que sombre, loin de là, mais sans mauvais jeu de mot ses images puissantes et son discours minimaliste invitent à de nécessaires réflexions en profondeur... Si vous avez cinq minutes, éteignez votre iphone, oubliez votre lecteur de DVD et allez donc le voir sur un vrai grand écran.
Bertrand Gilot